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Pension complète, comédie romantique

En 2015, le réalisateur Florent Emilio-Siri (surtout connu pour son film Cloclo) décide de réaliser un remake du film "la Cuisine au beurre", qui, en 1963, avait pour acteurs principaux Bourvil et Fernandel, et se déroulait dans un restaurant du sud de la France. La nouvelle version, quant à elle, met en scène Frank Dubosc et Gérard Lanvin en Corse, et porte le titre "Pension Complète".

Pension complète (2015)

L'intrigue de Pension Complète est à peu de choses près la même que celle de la Cuisine au beurre. Dans les deux cas, un restaurateur sérieux et travailleur (Dubosc/Bourvil) est obligé de cohabiter avec l'ex-mari présumé mort (Lanvin/Fernandel) de son épouse, après que ce dernier ait réapparu dans l'existence du couple, bien décidé à récupérer son restaurant et sa femme. La rivalité entre les deux hommes les poussera à commettre toutes sortes d'exactions rocambolesques, et peut-être aussi à s'attacher l'un à l'autre. Quant à "leur" épouse, elle... Elle ne fait rien. Elle est là, c'est tout.

L'affiche de la cuisine au beurre, le film d'origine

Là où Pension Complète se différencie d'à peu près tous les autres films tournés en Corse, c'est qu'il ne traite l'île que comme un décor. De nombreuses scènes se déroulent à Ajaccio (place des palmiers et du diamant, notamment), mais les personnages ne disent jamais où ils se trouvent précisément. Pour quiconque ne connaissant pas la Corse, les décors qui apparaissent à l'écran pourraient, dans l'absolu, être ceux de n'importe quelle région française proche de la mer.

L'avantage majeur de ce parti-pris est de ne jamais nous bombarder de réflexions à l'emporte-pièce et de plaisanteries lourdes sur la société corse. En outre, si ce choix peut frustrer certains spectateurs, il est tout de même important de rappeler que, même en Corse, le cinéma n'a pas pour vocation de servir de brochure touristique.

Pour ce qui est du long-métrage en lui-même, il s'agit d'une oeuvre plutôt honnête, mais jamais bouleversante. Ainsi, la mise en scène et le montage sont suffisamment propres et simples pour ne jamais perdre le spectateur. Néanmoins, une petite touche de folie aurait sûrement amélioré l'ensemble, et aurait permit de souligner les quelques gags visuels qu'on remarque à peine dans le film (la scène du concours de claques, par exemple, gâche tout à fait son idée, pourtant très drôle). Finalement, les tentatives d'originalité (comme la façon de filmer la nourriture) tombent souvent à l'eau, parce que la réalisation ne semble pas vouloir aller au bout de ses idées.

Cinq minutes plus tard, ils seront meilleurs amis au monde

Mais là où le film fait le plus grincer des dents, c'est au niveau de son écriture. Une idée de départ aussi simple et forte (forcer l'ex-mari et l'époux actuel, que tout oppose, à cohabiter) ne devrait pas être racontée par le biais de circonvolutions si complexes ! Par exemple, le film nous fournit deux explications totalement différentes pour justifier la cohabitation forcée entre les personnages : d'abord pour une raison médicale, puis juridique. La première est tellement inutile à l'intrigue, compliquée et bancale, qu'on l'oublie totalement au bout d'un quart d'heure de film ! Clairement, il aurait mieux valu se contenter de la seconde, qui se suffit largement à elle-même. Surtout que le scénariste ne cesse de se compliquer la vie, pour ensuite emprunter des chemins de traverse : lorsque les deux hommes se réconcilient magiquement, en deux minutes, après s'être fait les pires crasses, difficile de ne pas considérer cela comme de la triche.

Dans le même registre, on a beaucoup de mal à comprendre pourquoi tous les personnages trouvent l'ex-époux incarné par Lanvin si sympathique, alors que quasiment toutes ses apparitions à l'écran ne servent qu'à nous montrer à quel point il s'agit d'une pourriture...

En outre, de nombreuses autres petites erreurs d'écriture donnent l'impression que les personnages ne sont pas très malins : ainsi, on s'étonnera que Lanvin trouve son ex bien plus belle avec les cheveux détachés, "comme à l'époque", alors qu'elle les porte détachés depuis le début du film. Ou encore que l'idée que le cuisinier joué par Dubosc se fait d'un plat révolutionnaire est... un burger (le pire, c'est que le critique du guide Michelin est lui aussi stupéfait par une telle originalité).

Pascale Arbillot joue l'épouse de Frank Dubosc

A noter aussi que le film s'inscrit dans la mouvance des films modernes qui assument pleinement leur machisme digne des années 1960 (à l'instar d'Un moment d'égarement). Pension complète va très loin dans cette démarche, puisque l'une des intrigues secondaires n'existe que pour montrer l'intégralité du casting féminin du film en petite tenue, au travers d'une série de blagues pas drôles et totalement éculées. Les auteurs du film semblent si impliqués dans cette démarche qu'ils vont jusqu'à gonfler artificiellement l'importance de certaines figurantes juste pour qu'elles aussi, elles aient droit à leur mini-défilé Victoria's secret.

Depuis quelques années, cela redevient un problème récurent dans le cinéma français (même la comédie les Francis avait trouvé le moyen de caler ce genre de scènes) et on commencerait presque à se demander s'il ne s'agit pas juste d'une technique de l'équipe de tournage pour se rincer l'oeil...

Et le sexisme maladroit de Pension complète s'exprime aussi au travers du traitement de ses personnages féminins. Le personnage de l'épouse ("joué" par Pascale Arbillot sous prozac), notamment, aurait tout à fait pu être remplacé par un délicieux prisutu, qu'on se vole, qu'on se prête, qu'on déguste et dont on se vante. Toutes les autres femmes du film, je le répète, ne sont là que pour apparaître à moitié nues.

En dépit de ce machisme vieillot et éhonté, Pension complète est un long-métrage bien trop classique et propre pour être désagréable à regarder. Et les décors sont, effectivement, absolument magnifiques.

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